Tuesday, August 14, 2018

History of the most illustrious and learned men of their age by Thevet

HISTOIRE DES PLUS ILLUSTRES ET SCAVANS HOMMES DE LEURS SIECLES.
Tant de l'Europe, que de l'Asie, Afrique et Amérique.
Avec leurs Portraits en Taille-douce, tirez sur les véritables Originaux.
TOME SIXIESME.  (Book 6)

Par A. THEVET, Historiographe. A PARIS,
Chez François Mavger, au quatrieme
Pilier de la grand' Salle du Palais,
au Grand Cyrus.
M.DC.LXXI (1671)

Source

Page 135

Nicolas Esdrin
Comte de Serin

Chapitre IX.


La pitoyable avanture que je veux proposer icy de ce bon et courageux Comte, n'est pas que je prenne plaisir à raconter les conquestes qui ont esté faites par ces Infideles sur la Christienté, mais plûtost pour dautant plus exalter la magnanimité des Princes et Seigneurs, qui mettans coeur au ventre, ont fait teste à cette felonne et cruelle beste. Mais la pluspart d'eux l'ont fait si tard, qu'il leur a esté impossible de chasser celuy qui s'estoit trop avant avancé sur la Chrestienté.

Ainsi en a pris à l'Empereur Maximïlien deuxiéme du nom. Ses devanciers s'amusoient à s égorger l'un l'autre, et cependant Soliman s'approchoit de si prés de leurs limites, et prit Bude, Agrie et quelques autres villes, presumant bien d'emporter la ville de Sighet, où il mit le siege l'an mil cinq cens cinquante-cinq: Toutefois ce fut en vain, pour la réponse que luy firent les garnisons de l'Empereur. Et il est, sans doute, que plûtost le Turc eust donné recharge, si les dissensions de Bajazet et Selim, enfans de Solìman, n'eussent donné un peu de relais à Ferdinand, qui cependant eust assez de loisir de mettre ordre à ses affaires de Hongrie et Transsilvanie. Si bien toutefois ne se  rempara-il, que Soliman, qui enrageoit de gripper quelque chose sur les Chrestiens, apres avoir fait assieger l'ifle de Malthe, sur laquelle commandoit l Illustrissime Seigneur Parisot, Grand  Maistre de l'Ordrede Saint Jean de Jerusalem, encore que Dragut et Haly Portu, Capitaine de la Porte, eussent là esté défaits, il remit encore sur pied une grosse et puissante armée, et en personne vint en Hongrie et Transsilvanie,  pour assieget Sighet, qui est une place merveilleusement forte, entourée de grands marets, qui la rendent presque imprenable, gardée seulement par six cens soldats, ausquels commandoit ce Comte de Serin, tellement que pour la multitude des hommes, la partie estoit inégale, mais pour la vaillance le peu de Chrestiens se montra fort puisant et valeureux.

Cette petite poignée de gens ávec les habitans du lieu tinrent bon a l'encontre de cent cinquante mil combattans, et d'autre costé l'Empereur avec une fort belle armée en campagne tenoit en haleine le Turc, Toutefois ne peut-il donner secours à ceux de Sighet, encore qu'il fut accompagné d'une fort belle atmée de Seigneurs François et Italiens. Entre lesquels estoient pour Chef des François Henry de Lorraine, Duc de Guyse, fils aisné et successeur des vertus, estats et vaillance de François de Lorraine, son Seigneur et Pere: René le Voyer, Vicomte de Paumy, Baillif de Touraine, et plusieurs autres, qui avoient tous bien envie de donner sur le circoncis:  et veritablement ils eussent donné un terrible compte, s'ils eussent pû se joindre  ensemble, mais entre l'Empereur et les assiegez il y avoit plus de soixante mil combattans, qui faisoient barriere, de sorte qu'avant de pouvoir secourir laville de Sighet, il falloit éclaircir cette forest épesse de Mahometans, où fussent demeurez beaucoup de Chrestiens, et le secours tellement affoibly, que laville en eût esté bien peu soulagée: plusieurs escarmouches furent faites, où le Comte de Serin ne montra point tant sa prouesse, qui estoit vrayement admirable, que sa prudence, par le moyen de laquelle il attiroit l'ennemy en ses filets, apres déchargeoit sur luy si druëment qu'une bonne partie de ces Mahemetans demeura fur la place.

Soliman reconnoissant qu'il avoit grand avantage sur ce Comte, à cause du grand nombre de ses soldats, luy fit porter parole, que s'il se vouloit rendre à luy, qu'il le prendroit à mercy, et luy feroit si bon party, qu'il auroit occasion de se contenter. Mais ce bon Capitaine aima mieux estre tué par ces Infideles en vray et vaillant Chrestien, que, faisant banqueroute de sa pieté et fidelité, qu'il avoit vouée à l'Empereur Maximilian, se garantir du danger, où il fut  reduit par la fureur Turquesque.

A dire le vray Soliman n'avoit pas tort de vouloir gagner celuy, qui tout seul valoit un nombre infiny de guerriers, et quidonnoit plus d'affaires à son armée que tous les efforts de ses soldats. Ce Comte mourut en vaillant homme le cimeterre et la targue aux poings, se  defendant fort vaillamment à l'encontre de ces Infideles, lesquels ayans gagné la ville, furent assez brusquement chargez par ce magnanime Comte, qui à la fin fut abbatu de coups. Pour piaffe Mahemet Bassa luy, fit couper la teste, toute ensanglantée, il l'envoya pendue à la pointe d'une pique à Selin second du nom, lequel luy en sceut fort bon gré, estant bien asseuré que puis que le Comte estoit mort, il pouvoit facilement jouir des terres qu'il vouloit usurper fur les Hongrois. De fait, il surprit de belles puissantes villes, places et forteresses, comme Guarin, Iule, Tocaie, et plusieurs autres places, qui vinrent sous son obeissance par la force qu'il fit à ceux qui tenoient le party de l'Empereur, de se rendre, ainsi que les Historiens l'ont tres-bien remarqué. Mais afin que nous ne quittions le sujet où nous sommes entrez, il faut retourner à Sighet, où ce Comte se porta valeureusement contre treize assauts que Mahemet luy donna, mais si furieux, qu'à grand peine pouvoit-il avoir esperance de luy faire teste, dautant qu'avec lances, que ces Infideles sçavent tres-subitement dresser, il éleva de grosses et hautes montagnes devant la ville, sur lesquelles il fit charger ses pieces de batterie, apres à plomb. cingloit si druement par toute la ville, qu'à peine pouvoit on y demeurer sans. recevoir quelque prune. Ie suis grandement estonné d un poinct que Laurens Sirius escrit - que la teste du Comte de Serin fut portée à Solyman, d'ou il infere, que c'estoit un Prince sanguinaire et acharné sur les pauvres Chreftiens: Il faut que ce bon homme n'entende pas bien les Histoires, et qu'il prenne le blanc pour le noir: Autrement il eut reconnu que ce Prince, faisant rapport de sa vie avec celle de ses devanciers, estoit le plus doux et benin, qu'il est possible de penser, auquel ne manquoit autre cas que la vraye cannoìssance du Fils de Dieu, et la reception du Baptesme.

De maniere que  s'l a exercé quelque cruauté' et inhumanité sur les Chrestiens, ça esté plutost comme poussé par son avarice et ambition Turquesque, que pour quelque haine, dont il fut porté à l'encontre de ceux qui faisoient profession du nom du Fils de Dieu. De fait, je sçay bien que c'estoit le Prince qui prenoit grand plaisir à entendre discourir des poincts de là Religion Chrestienne, mesme il en parloit autant pertinemment que pouvoit luy permettre sa lourdise Mhemetée. Mais quand ainsi seroit que Solyman eût surpassé tous ces compagnons en inhumanité, le bon Pere Surius n'avoit point d'occasion de dire, que la teste du Comte fut portée â Solyman. II y avoit plus de huit jours qu'il estoìt mort, ainsi que fera foy la supputation du temps de la mort de l'un et l'autre, dautant que Soliman mourut le sixiéme de Septembre en l'on mil cinq cens soixante-six, soit de regret ou de poison, ayant regné quarante-huit ans, et âgé de soixante-seize, seant à Rome Pie quatriéme du nom, Maximilian tenant l'Empire et Charles neufiéme du nom regnant en rance.

Signet fut pris le quatrième jour, ensuivant, au mesme mois de Septembre: et alors le Comte fut mis en pieces, qui ne vouloit aucunement se rendre. II faut que ce bon Chartreux ait pensé faire son calcul suivant la fourbe que donna Mahemet Bassa touchant la mort de Soliman, laquelle il cela long-temps, de crainte qu'il avoit de rompre l'heureux commancement, qu'il y avoit pour la prise de Sighet, qui estoit à demy combattue. Que s'il eust tant soit peu éventé la perte de ce Prince, il y eust eu du danger que la poursuite de Sighet ne se fut affadie, si entierement elle n'eust esté rompue. Mais ce n'estoit pas le principal but où visoit la ruse de Mahemet Bassa, qui n'apprehendoit pas seulement la rupture da camp de Sighet, dautant que toujours, en un besoin, n'eust esté affaire qu'à ramasser une autre fois les Tartares, Scythes et Turcs,qu'il avoit là menez: Mais il pretendoit de faire Selin Monarque des Turcs, et en frustrer Bajazet, Mahemet estant mort ayant este tué par un coquin, lors qu'il dónoit audiance au peuple.

Laissans donc la supputation du Chartreux Surius, nous dirons que ce Comte fut tué le 14. Septembre 1566. et que sa teste fut portée à Selim par le commandement de Mahemet. Laquelle depuis fut renvoyée par le Bacha de Bude au Comte de Saluee, estant à Comor, laquelle fut depuis mandée à l'Empereur Maximilien, qui reconnoissant la vertu de ce vaillant et fidele Capitaine, ne pouvant recouvrer le reste du corps, fit fort solemnellenent les obseques sur sa teste, qui depuis fut precieusement serrée et mise en un tombeau, qui à cet effet fut dresse tout expres, fort magnifique. Icy je vous ay representé le portrait de ce Comte, tel qu'il me fut donné par unsren neveu, qui me vint voir en ma maison, l'an mil cinq cens soixante-douze.

Depuis j'ay receu par le Seigneur Jean Jacques Voon Staal, Secretaire de la Seigneurie de Soleurre, son Epitaphe, lequel j'ay mieux aimé icy inserer, traduit en nostre langage, afin que je puisse communiquer à nos François, ce que ses compatriotes pourront, s'il leur plaist, apprendre du monument qui luy a esté dressé pour eternelle memoire à Tschakhaturn.



EPITAPHE,
QUI SE VOID A TSCHAKHATURN,
GRAVE EN LA PIERRE
du Tombeau de Messire Nicolas Comte de Serin.

CETTE Pierre a estè mise en memore et souvenance de Nicolas de Serim, Capitaine vertueux, renommé par tout en fait de guerre, invincible Cet illustre, Neveu du Seigneur Torquatus, et fils de sa Soeur, lequel pour ses hauts faits et braves exploits d'armes qu'il fit tout jeune au Siege de Vienne, apres iceluy siege levé, eust en don de l'Empereur Charles cinquième un beau cheval et une chaisne d'or, et apres fit preuve de sa vaillantise en la guerre de Buda et de Pest, et exerca avec tresgrande prudence l'estat de Sereschal et Baillif, (qu'ils nomment Banambt) de trois Royaumes, à scavoir Croate, Dalmatie et Sclavonie, et l'estat de grand Boueteiller ou Eschanson (qu'ils appellent Mundschencken) en Hongrie. Lequel a esté Capitane general pour l' Empereur Ferdinand et pour ['Empereur Maximilien deuxième de ce nom, du cercle et circuit du Danube, et ayant vaincu, pris, défait et chassé tant de fois l ennemy, enfin a esté tué et est mori d'une mort d'eternelle memoire en la ville de Sighet quand elle fut prise par les Turcs, qui l'avoient assiegé sa forces sans nombre, et nean moins soustine le siege fort long-temps, a leur grande per e et ruine et plus longuement que ses forces ne pouvoient permettre pour resister, et jusques à ce que Soliman de fleau du monde y rendit l'esprit.

Icy je ne veux oublier que le docte Sambucus m'a donné advis, que le Seigneur, auquel est vouée cette Histoire, n'a pas esté Comte de Serin de toute ancienneté. ou de ses vieux predecesseurs, mais qu'il a tiré son origine de Croatie, et que cette Seigneurie luy a esté donnée par la liberalité de l'Empereur, et en recompense de ses services, pour avoir si bien merité par ses vertus, que d'estre reconnu d'un tel honneur En un mot, il s'est acquis la gloire d'avoir esté un des non moins  vaillans que sages et loyaux Capitaines de son age. Et à dire la verité ïl ne pouvoit faillir, qu'il n'atteint le sommet d'une telle gloire, puis qu'il estoit assorty de toutes les raretez, requises en un heroïque et vertueux Seigneur. Pour le faire court, je diray avec les anciens sages, que les trois choses requises en l'homme, pour le rendre parfait à pouvoir prudemment commander aux Monarchies et Republiques, tant en temps de paix, que de guerre, sçavoir la nature, l'art et l'exercice, se pouvoient contempler en ce Seigneur. Que nature luy ait esté autant ou plus favorable qu à homme qui ait esté de ce Siecle, ne le peuvent nier que ceux qui ignorent, que dés le berceau ( par maniere de dire ) les mains, les pieds et le corps luy fretilloient à commander et à manier les armes.

Quant à l'art, dés son jeune âge il se façonnoit à une infinité de gentillesses, qui promettoient, que, fi un jour il estoit appellé à grandes affaires, il seroit personnage pour faire grand fruit, et pour venir à bout de grandes affaires et à son honneur et au soulagement du public. Mais l'exercice a estalé te mis en évidence, tant ce dont nature l'avoir honoré, que ce qui luy estoit acquis par art. Je ne m'amuseray à dresser derechef ia liste de ses exploits et faits d'armes, des rencontres, batailles, assauts et prises de villes où il s'est trouvé, puis que les Histoires en rendent si clair et sussisant témoignage, que ce seroit  ingratitude ou messeance qu'en requerir davantage. Comme l'heur luy a tresbien dit en guerre, aussi est- il grandement loué pour avoir sceu sagement user de la prosperité qui rioit sur ses desseins. En un poinct au reste mal-heureux, c'est qu'il a esté agassé d'ennemis, qui, envieux de sa felicité, luy ont machiné un million de traverses. Toutefois, comme la vertu ne s'affaisse fous le fardeau des malheurs, il a digeré avec une telle prudence et magnanimité le malheur du temps, qu'il s'est trouvé vainqueur, et avoir le dessus de ses ennemis: lesquels estimans l'atterrer au precipice de malheurs, l'entsurhausseau plushaut de l'honneur que sçauroit souhaiter un chef de guerre.

D'aucuns siens ennemis il estoit tellement chery, qu'au siege de Sighet il eust advertissement de la mort de Solyman par un Grec de l'Isle de Stalimene, qui tira de nuict dans la ville une flèche, au bout de laquelle il y avoit une lettre plièe, qui publioit le malheur qui estoit advenu au camp Turquesque par le moyen de la mort de Soliman. Dont les assiegez sirent tres-bien leur profit, dautant que telle nouvelle les enhardit davantage à tenir bon contre la foudre des fureurs Otthomaniques.

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Excerpts from reports about events near Sisak in 1593

Source:  Spomenici hrvatske Krajine: Od godine 1479 do 1610, Volume 1, edited by Radoslav Lopašić https://books.google.ca/books?id=tHLvuERLU...